Les dangers du consentement implicite: Blackstone condamné à 50k$ d’amendes
Le 26 octobre 2016, après deux ans de va-et-vient, le CRTC a finalement émis une décision de Conformité et Enquêtes concluant que Blackstone Learning Corp. avait violé la Loi canadienne anti-pourriel en envoyant des messages électroniques commerciaux (MEC) sans consentement. La pénalité initiale s’élevait à 640 000 $, mais a plus tard été révisée à 50 000 $.
Le procès-verbal de violation faisait référence à 9 campagnes de marketing courriel, totalisant 385 668 messages ayant été envoyés entre le 9 juillet et le 18 septembre 2014 aux employés de 25 différentes organisations fédérales et provinciales. Ces campagnes occasionnèrent au moins 60 plaintes reçues par le Centre de notification des courriels du CRTC.
Lorsque le CRTC amorça son enquête, Blackstone refusa de coopérer et décida d’appeler de sa décision suite à la réception du procès-verbal de violation, le 30 janvier 2015.
Blackstone argumenta qu’il n’y avait pas eu de violation de la LCAP, car l’entreprise possédait des consentements implicites pour envoyer les courriels et que la pénalité de 640 000 $ était déraisonnablement élevée.
Adresses de courriel publiquement accessibles
C’est ici que les choses se corsent. Blackstone avançait en défense que les adresses de courriels des destinataires étaient « publiées bien en vue » (i.e. : adresses de courriel publiquement accessibles).
À cela, le CRTC répondit que :
« [l]’exemption relative à la publication bien en vue et les exigences qui en résultent énoncées à l’alinéa 10(9)b) de la Loi fixent une norme plus exigeante que la simple disponibilité publique des adresses électroniques.«
Pour répondre aux critères de l’exemption de la « publication bien en vue » :
- L’adresse de courriel doit ne pas être accompagnée d’une mention précisant que l’individu ne veut recevoir aucun message électronique commercial non sollicité à cette adresse
- Le message électronique envoyé doit avoir un lien avec l’exercice des attributions de la personne contactée, soit avec son entreprise commerciale ou les fonctions qu’elle exerce au sein d’une telle entreprise.
Le CRTC a conclu que la façon dont l’adresse de courriel est publiée, que ce soit sur le site internet d’une compagnie, via une tierce partie ou sur une autre plateforme, doit être telle qu’il devient raisonnable de conclure au consentement de recevoir le type de message envoyé.
C’est un argument significatif pour l’une des rares exemptions de la LCAP. Alors que des adresses de courriel publiques pourraient se qualifier pour le consentement implicite, » la Loi n’accorde pas aux personnes qui envoient des [MEC] la liberté d’envoyer des messages à une adresse électronique qu’ils trouvent en ligne« .
Pourquoi l’amende fut-elle réduite ?
Afin d’établir une pénalité appropriée, le CRTC prend en compte les considérations suivantes :
- Le but de la sanction : Le Conseil a affirmé que le montant doit être suffisamment haut pour provoquer un changement de comportement, mais ajuster de façon à ne pas causer la faillite de l’entreprise (puisque cela annulerait tout perspective d’une seconde chance).
- La nature et la portée de la violation : Alors que près de 400 000 messages non conformes furent envoyés, troublant leurs destinataires et occasionnant 60 plaintes au Centre de notification des courriels ; cette violation n’eut lieu que pour une période de 2 mois. Le CRTC a jugé qu’une pénalité de 640 000 $ était trop élevée.
- La capacité de payer : Après avoir finalement reçu les états financiers de Blackstone, il est devenu évident qu’une pénalité de 640 000 $ dépassait largement sa capacité de payer.
- Autres facteurs – coopération et auto-correction : Le refus de Blackstone de coopérer dans le cadre de l’enquête encourageait l’imposition d’une amende pour garantir la future conformité de la compagnie. Toutefois, le Conseil a constaté que Blackstone pourrait « s’auto-corriger » et a conclu qu’une pénalité réduite serait plus appropriée.
Basé sur ces facteurs, le CRTC a déterminé qu’une pénalité de 50 000 $ était raisonnable et suffisait à encourager Blackstone à se conformer à la LCAP.
Leçon apprise
Beaucoup d’entreprises oeuvrant en B2B ont tendance à penser à tort que leur domaine d’affaires les met à l’abri de la Loi Canadienne anti-pourriel, ce qui est faux. La possibilité d’envoyer des messages commerciaux à une personne dont l’adresse est publique existe mais elle est très sensible aux enjeux de contexte et de documentation comme le cas de Blackstone le démontre. L’analyse et le balisage de ce type de situations est une étape clef de tout programme de conformité formel. C’est pour cela que le CRTC estime que la mise en place d’un tel programme est le meilleur moyen d’éviter les enquêtes et amendes.
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