Leçons tirées des premières amendes relatives à la loi canadienne anti-pourriel (Loi C28)
- Les entreprises ont trois ans pour s’adapter, les amendes n’arriveront pas avant.
- Le CRTC se concentrera sur les gros poissons et ne visera pas les PME.
- Si vous avez le consentement de vos contacts, vous êtes correct.
Si vous avez entendu l’une de ces phrases dans la dernière année et que vous vous êtes reposé dessus pour remettre à plus tard le dossier Loi C28 dans votre entreprise, je suis malheureusement obligé de vous annoncer que vous courrez de gros risques d’amendes.
Ces affirmations, souvent relayées par de nombreux médias, consultants et experts-conférenciers, sont des mythes aussi erronés que tenaces. Et plusieurs entreprises canadiennes viennent de le découvrir assez coûteusement avec les amendes distribuées par les autorités dans les dernières semaines. Je vous propose donc une analyse des premières amendes et des leçons qu’elles enseignent sur le mode d’un dialogue imaginaire mais totalement pertinent.
En fait ce sont plus de 31M$ d’amendes reliées à la Loi canadienne anti-pourriel que les entreprises canadiennes ont reçues durant les dernières semaines.
– Comment ça des amendes ? Je croyais qu’il y avait trois années de grâce pour se préparer.
Et bien non les trois années de grâce sont finies depuis longtemps. La Loi C28 a été votée en novembre 2010 et promulguée en décembre 2013 pour une application au 1er juillet 2014. Elle est donc en vigueur depuis près d’un an et toute entreprise qui ne respecte pas l’une de ses 70 règles risque un procès verbal éventuellement accompagné d’une amende. Les pénalités imposées à des compagnies canadiennes en vertu de cette nouvelle loi atteignent déjà 31,148,00 $ !
– OK, la Loi C28 est en vigueur et les amendes ont commencé à tomber. Mais cela ne vise que de gros poissons, avec ma PME je suis tranquille, non ?
Pas vraiment ! Toutes les enquêtes du CRTC qui ont été rendues publiques jusqu’ici visaient uniquement des PME. Cela a commencé avec un magasin d’ordinateurs de Saskatchewan qui a évité l’amende car il a pu prouver que ses serveurs avaient été piratés et que le pourriel y circulait à son insu. Mais imaginez combien cela a du lui coûter en frais d’avocat et d’experts pour se défendre tout au long de l’enquête et éviter l’amende. Puis la première amende est tombée : 1,1M$ pour Compu-Finder, une PME de Morin-Height.
– Oui mais Compu-Finder c’est un gros poisson ?
En effet, Compu-Finder est historiquement reconnue pour envoyer du courriel non sollicité à travers le Québec et rendre à peu près impossible de s’en débarrasser. Certains spécialistes du domaine vont même jusqu’à faire des plaisanteries en racontant que la Loi C28 a été rédigée en pensant à Compu-Finder. D’ailleurs, le CRTC a annoncé que 26% des plaintes qu’ils avaient reçues étaient relatives à cette entreprise. Mais cela reste une PME régionale qui pollue le courriel des entreprises québécoises et de ses dirigeants. On est loin du gros joueur international qui dirige un réseau de revente de Viagra de contrebande. D’ailleurs l’ exemple de Plentyoffish Media est révélateur.
– Plentyof quoi ? Je n’en ai jamais entendu parler. C’est qui ?
Plentyoffish Media Inc. est une PME d’une soixantaine d’employés basée à Vancouver et qui gère le site de rencontre Plenty of Fish ou POf.com.
– Ah je vois, ils se sont surement fait prendre à envoyer de la publicité pour des sites pornos sans consentement ?
Vous n’y êtes pas du tout. POF est un site de rencontre comme Réseau Contact ou Meetic. Leur seule particularité est d’être gratuit et de se financer par la publicité affichée sur leur site. En fait, l’amende concerne des messages qu’ils envoyaient aux personnes qui venaient de s’inscrire sur leur site. Et le CRTC a reconnu qu’ils avaient totalement le droit d’envoyer ces messages à leurs nouveaux abonnés.
– Si les messages étaient légaux, alors pourquoi une amende ?
Tout simplement parce que le lien vers le formulaire de désabonnement n’était pas assez clair et que le formulaire était trop complexe.
– Ah! Un autre qui s’assure qu’on ne puisse jamais se désabonner de ses envois à répétition. Bien fait pour eux !
En fait non, ils ne sont pas comme ça. Le CRTC a même reconnu dans son communiqué que Plentyoffish Media avait été surprise d’apprendre qu’elle n’était pas conforme et qu’elle a immédiatement modifié les points litigieux dès qu’elle en a été informée par le CRTC. Mais cette bonne volonté et cette bonne foi ne les ont pas empêché de payer une amende de 48,000 $ !
– Ils ont payé 48,000 $ pour un formulaire mal fait ?
Tout à fait. J’espère que vous avez révisé tous vos formulaires et tous les bas de messages de votre compagnie.
– Avec tout ça, on est rendus à 1,148,000 $, il manque encore 30M$ !
Je vois que vous savez compter. En fait, ce coup-ci, ce n’est pas le CRTC mais le Bureau de la concurrence qui a sévi.
– Qu’est-ce qu’il vient faire là-dedans lui ? La Loi C28 c’est le CRTC non ?
En fait, comme dirait mon ado de fille, c’est compliqué. Le CRTC est effectivement responsable de l’application de la Loi C28 mais il est appuyé par le Bureau de la concurrence et le Commissaire à la vie privée dont les lois ont été modifiées par la Loi C28. Dans le cas du Bureau de la concurrence, on sent qu’ils sont contents d’avoir enfin un outil avec des dents qui leur permet de sévir contre des situations qu’ils considèrent non acceptables. C’est ce qui est arrivé à BudgetAvisGroup et ses deux filiales Budget Car et Avis Car qui ont reçu une amende de 10M$ chacune pour un total de 30M$.
– Ils ont du en envoyer des millions de courriels non sollicités pour se faire ramasser comme ça !
Non, aucun problème de consentement là non plus. L’amende concerne des promotions qu’ils envoyaient à des personnes qui avaient indiqué vouloir les recevoir. Le problème vient plutôt du prix qui était mis de l’avant dans la promotion. Les prix affichés dans leurs promotions omettaient toute une série de taxes et frais qui avaient comme conséquence que la location de voiture coûtait en général 20 à 30% de plus que le prix annoncé. Et c’est ce tarif un peu trop agressif que le bureau de concurrence a puni avec 30M$ d’amendes en plus du remboursement des 35M$ perçus abusivement des consommateurs !
– Wow ! Ça fait mal !
En fait, derrière cette décision, on sent que le Bureau de la concurrence va utiliser la Loi C28 pour mettre de l’ordre partout où la législation en vigueur ne lui permettait pas de le faire. Et on peut imaginer que le Commissaire à la vie privée va bientôt faire pareil.
– Donc si je comprends bien, même si j’ai le consentement de mes destinataires, je peux recevoir une amende à cause du contenu de mon message, de mon site web ou d’autres choses ?
Vous avez tout compris. En fait, la Loi C28 comprend 91 articles et dispositions auxquels chacun de vos messages doit se conformer. Et je parle de message, pas d’infolettre. Car la loi ne fait pas de différence. Tout message électronique envoyé dans un contexte commercial doit respecter les mêmes règles qu’il soit envoyé à un client ou à une liste de 10,000 prospects.
– Bon il va donc falloir que je mette en place mon programme de conformité au plus vite mais je ne sais pas comment faire.
Vous verrez que grâce à Certimail, c’est beaucoup simple et moins coûteux que nous ne pensez.
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